Pedro Ortega

Témoignages

Du camp à la zone occupée

Pedro Ortega Rubio (1916 - 1996 ), originaire de Valence, s’engagea à 20 ans comme volontaire dans l'armée républicaine espagnole. Versé dans la 57e brigade sur le front de Teruel, il passe par l’école militaire où il devient lieutenant au sein de la 10ème Division avec laquelle il participe à la bataille de l’Ebre. Il passe en France lors de la Retirada en étant dirigé sur le camp de Saint-Cyprien puis du Barcarès. Il intègre en janvier 1940 la 175e CTE qui est envoyée dans l'Yonne. De retour au camp d'Argelès-sur-Mer après l'armistice, Pedro Ortega Rubio est versé dans un Groupe de Travailleurs Etrangers et envoyé en zone occupée.Il parviendra à s'échapper d'un camp de l'Organisation Todt à Lorient en 1942 pour retrouver la liberté.

Quel camp ? Non pas un camp en Allemagne mais un camp en France. En effet, plus que la guerre que nous venions de subir, notre arrivée en France fut un véritable cauchemar. Emmenés dans un camp à St Cyprien, derrière des barbelés, sans rien pour nous loger, nous dormions à même le sable avec comme seule protection la couverture dont un soldat ne se sépare jamais ; comme nourriture : 1 pain pour 25, 1 boîte de sardines chacun par jour. Nous ne comprenions pas quel crime nous avions commis pour que nous soyons traités de cette façon. 

Après St Cyprien, ce fut le Barcarès de janvier 1940 à juin de la même année. Là j’ai vu des copains devenir  fous, fous de désespoir. Après ce qu’ils avaient vécu en Espagne en laissant derrière eux illusions, familles (dont ils étaient sans nouvelles) pour ensuite subir un tel traitement, ce fut plus que certains pouvaient supporter. Dans ce camp on nous organisa en « Compagnie de Travailleurs Etrangers » et nous devions aller travailler dans des sortes de galeries souterraines où devaient se fabriquer des pièces pour avions. Nous creusions ces galeries pour qu’elles deviennent des ateliers.
Après le Barcarès ce fut Argelès où on nous employait à démonter les obus à gaz ; plus d’un resta défiguré par le gaz qui s’en échappait. Ce fut là qu’on nous rassembla un jour pour que nous prenions une décision, le choix en était simple : ou retourner en Espagne ou aller travailler en zone occupée. Quelques uns, surtout ceux qui étaient mariés et pères de famille, choisirent de retourner en Espagne (et j’ai appris plus tard que 2 ou 3 d’entre eux furent fusillés en rentrant chez eux) mais la majorité des 250 (dont j’étais) choisit la zone occupée.

 Pedro Ortega Rubio durant la Guerre d’Espagne 

Pedro Ortega Rubio durant la Guerre d’Espagne. Archive familiale.DR