Josep Narro
Témoignage
précédentTémoignage
suivant
Témoignages
L'infirmerie et l'hôpital du camp
Josep Narro Celorrio (1902-1994) s’est illustré, en tant que dessinateur et acteur, dans le monde des arts à Paris et Barcelone. Suite à son exil en France en 1939, ce militant d’Izquierda Republicana est interné à Argelès-sur-Mer. Après un bref passage à Perpignan, au camp des Haras en compagnie de son frère, Josep Narro, est transféré au camp du Barcarès puis au camp d’Agde dans l’Hérault avant de revenir au camp d’Argelès-sur-Mer en novembre 1939. Il y restera interné jusqu’au printemps 1941.
Le travail et l’organisation des réfugiés, avaient transformé le camp d’Argelès en une sorte de village, à la fois construit, organisé et peuplé par les réfugiés eux-mêmes. Le camp avait un noyau central, composé de l’infirmerie et de l’ hôpital. Les logements des médecins étaient à part, sur l’un des côtés, pas trop loin de la morgue ; de ce manoir transitoire des morts, de l’isolement lugubre, le tout sous la surveillance d’un boiteux et d’un manchot, qui se chargeaient de prendre soin de ces tristes invités. Dans l’une des extrémités du camp, à proximité et le long du fil de fer, on avait construit une rustique chapelle.
Un hôpital est destiné à l’accueil des patients, qui reçoivent des soins et un traitement médical. Le camp d’Argelès-sur-mer non seulement prend soin et guérit les malades, mais accueille également hommes, femmes et enfants qui sont mis dans des compartiments séparés. Le camp enferme autant de malades que de personnes en bonne santé, tous ceux dont il faut prendre soin. Les besoins créent des obligations et des services, toute une chaîne des tâches, jusqu’au médecin qui prend le temps de vider les latrines. En principe l’hôpital est pour les personnes hospitalisées, un lieu de récupération, même si les lits sont des planches en bois et les draps un tas de paille. A moitié nourris, et avec les séquelles des trois ans de guerre, les prisonniers ressemblent à un tas d’os. Les pires, ce sont les enfants, certains d’entre eux, semblent entrer à l’hôpital pour y mourir. Malgré qu’ils semblent déjà à moitié morts, le médecin tente néanmoins de les réanimer en les immergeant dans une eau presque en ébullition, c’est comme si j’étais en train de voir cette sorte de baignoire miraculeuse. Je me demande si le médecin était arrivé à ses fins ? Le médecin était un jeune homme, qui portait toujours le stéthoscope autour du cou. Pour les malades les plus graves ou malades avec des complications, il y avait une ambulance qui les transportait à l'hôpital de Perpignan. Cependant, un certain nombre d’internés sont décédés au Camp d’Argelès.
Josep Narro évoque ici le camp en 1941. Ces écrits sont extraits de ses mémoires (Otoño) et l’extrait traduit du castillan par Sofia Medinilla. Fonds famille Narro.
De gauche à droite : Evaristo Ribell Arnau, Rosa Laviña Carreras et José Narro Celorrio au camp d’Argelès-sur-Mer en 1940. Arxiu Municipal de Palafrugell. Fonds Rosa Laviña Carreras.