Florentino Calvo
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Une barque au camp
Fils d’un anarchiste espagnol, Florentino Calvo , né en 1926, quitte l’Espagne une première fois en 1937 avant d’être renvoyé en Catalogne. La famille retourne de nouveau en France lors de la Retirada. En septembre 1940, Florentino Calvo est envoyé au camp d’Argelès-sur-Mer avec sa mère et ses frères . La famille Calvo reste à Argelès-sur-Mer jusqu’à la fin juin 1941 avant d’être transférée au camp de Rivesaltes. Pour quitter le camp, Florentino intègre une groupement de travailleurs étrangers en Corrèze en mentant sur son âge. A 17 ans, il rejoint la Résistance intérieure dans un maquis puis fait partie de l’opération avortée de Reconquista de España au Val d’Arran. Après la Libération, Florentino Calvo reste définitivement en France.
On voyait les tôles qui partaient en volant. Et puis en voyant les tôles, un jour, j’ai dit à mon ami : « Dis donc, mais avec la tôle, là, les tôles des baraques on va essayer de faire une barque ». Il a dit : « Une barque ? », je dis « Oui. Mais il y a du matériel, il y a des planches, il y a des clous ». Les baraques étaient effondrées. Et ben, on est arrivé à tordre la tôle, la clouer, des deux côtés, avec une planche et ça faisait une barque. On a mis sur les côtés des planches pour qu’elles les stabilisent, quoi et pour les trous qu’il y avait dans les tôles, on a eu l’idée. On a pris les planches, à l’extérieur, elles étaient couvertes de carton goudronné. On a pris les cartons goudronnés, on allumait, on le mettait comme ça, il y avait des gouttes de goudron qui tombaient sur la tôle, là où il y avait des trous. Et puis, quand ça séchait, ça durcissait et ça bouchait les trous. Alors on a pris cette barque. Mais il fallait avoir des gamelles, à l’intérieur parce qu’il rentrait de l’eau quand même.
On s’amusait bien avec cette barque. De temps en temps elle coulait, mais la plage d’Argelès, , elle est peu profonde, il faut aller assez loin pour avoir de la profondeur, ça fait qu’on plongeait, on la remontait et on s’amusait bien. Et puis, un jour, on avait cette barque, on l’avait sortie. On était sur la plage. Il y a une patrouille de deux gendarmes qui passe. Alors, quand ils ont vu la barque, ils se sont arrêtés, ils disent : « Mais, qu’est-ce que c’est ça ? ». Mais alors, nous, tout fiers : « Et bien mais c’est une barque ! ». Ils disent : « Oui, oui, on voit bien que c’est une barque, mais d’où c’est qu’elle vient ? », « Eh ben, c’est nous qui l’avons faite ! ». On était tout fiers : « Ah bon ? Et ça va sur…? ». On dit : « Oui. Regardez. ». On l’a pris, on leur a fait voir. Bon, bon, ils ont rien dit, ils sont repartis. Le lendemain matin, on est retourné, il n’y avait plus de barque. Une femme nous dit : « Qu’est-ce que vous cherchez ? Vous cherchez la barque ? ». Et on dit : « Oui, on l’avait laissée là ! », « Ne cherchez pas. Les gendarmes, ils sont revenus la nuit, ils l’ont embarquéee, ils ont eu peur que vous que vous vous sauviez avec ! » C’est là qu’on nous a pris, et on nous a envoyés à Rivesaltes.
Extrait de la transcription du témoignage de Florentino CALVO RODRIGUEZ réalisé le 12 octobre 2009. Réalisation entretien : José Jornet / Transcription : relecture et corrections finales par Programme Matrice / © Collections du Mémorial du Camp de Rivesaltes.
Florentino Calvo en mai 1941. Photographie issue de son laissez-passer du camp de surveillance d'Argelès-sur-Mer. .Fonds Florentino Calvo, © Collections du Mémorial du Camp de Rivesaltes.